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Vomir la "trostlose Ungefähr"!
Vomir la "trostlose Ungefähr"!
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6 octobre 2008

"Let me fill your cup/with the promise of a man"

      Après cette succincte présentation des visées de cet ouvrage, j'attends quelques objections quant à sa portée sinon éducative, du moins destinée à intéresser le plus grand nombre.
      Car n'y a-t-il pas là un paradoxe à vouloir faire avancer les choses, à vouloir faire évoluer notre existence sociale ? Qu'est-ce là en effet sinon un retour vers le vieux sophisme qui vient s'opposer à la grande majorité des théories de nos penseurs et/ou politiciens actuels ? Si, en effet, nous voulons changer la société, il faut changer l'Homme. Or, pour changer l'Homme, il faut changer la société. Donc pour changer la société, il faut changer la société (l'inverse étant également valide pour l'évolution de la pensée humaine). Cruel aveu d'échec que tout parti politique doit reconnaître s'il veut avancer -ce qu'ils ont peine à entendre (les partis politiques actuels n'étant finalement qu'autant d'églises où l'on ne peut reconnaître, dirait Rousseau dans le Contrat social, que la victoire d'une idée individuelle, puisque la pluralité des idées n'y est jamais respectée, toujours dans un même souci d'efficacité. La victoire d'un parti politique est la victoire de la rentabilité de l'idée, la danse du ventre de l'idée, la seule qui puisse séduire la masse. L'union fait la force, certes. Mais elle implique aussi la fin de la pensée. C'est là la première faiblesse, non la moindre, de tout procédé démocratique. "Là où le peuple mange et boit, même là où il adore, l'air s'empuantit. N'entrez pas dans les églises si vous voulez respirer un air pur." - Par-delà bien et mal, paragraphe 30)
      Les disciples bien dressés qui se sont glissés parmi vous ne manqueront pas de me répondre que si nous adhérons à tel ou tel parti, c'est justement parce que nous en partageons les valeurs, les idées, les visées. "La lumière luit dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l'ont pas reçue", pourrais-je me contenter de vous rétorquer en citant l'Évangile selon Jean ; mais ce serait là trop aisée fuite en avant, pédante et stérile. Ainsi je m'efforcerai de vous récuser de la manière suivante. Ces valeurs, ces idées que vous revendiquez, comment croyez-vous les avoir acquises ? Quelque réminiscence platonicienne ? Apparition soubiresque au clair de lune ? Ces idées, tout comme les miennes (appelez-ça comme vous voulez:D), bien sûr, sont des faits sociaux. Il est donc aisé de les orienter dans le sens désiré ; ce que l'on observe au travers des autodafés. Que nous soyons "formatés" selon l'acception courante, cela ne fait bien évidemment que peu de doute. Mais encourager ce processus de soi-même, voilà ce que l'on peut reprocher à nos vaillants défenseurs du Parti, peu importe lequel ; défendant une idée non plus parce qu'on la considère comme juste, mais parce qu'elle est notre, voilà qui découle plus du passionnel que du rationnel... D'autant que le fait que l'on considère telle ou telle idée comme étant la "notre" est au final fort illusoire ; il est évident que nous ne nous inscrivons pas dans tel ou tel courant de pensée parce que nous en partageons les idées (qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Naissons-nous donc platoniciens, aristotéliciens, socialistes ?), mais que nous partageons cette idée parce que nous appartenons à ce courant donné, orientant nos lectures et notre œil sur ces lectures en fonction de ce que nous y voulons entendre -c'est en cela que les nazis ont pu lire l'apologie de l'homme aryen chez Nietzsche par exemple.
      Avant de vouloir changer les choses, il faut commencer par se changer soi-même, perpétuellement, à la manière de Nietzsche et selon cette glorieuse métaphore, vilement retranscrite, "je tourne sur moi-même sans cesse pour ne pas être brûlé par le soleil". Dès lors que l'on s'enferme, consciemment ou naturellement, dans un système de pensée bien déterminé et donc au demeurant plus rassurant, on cède notre prétention à la pensée pour entrer sous le règne de la croyance aveugle. Voilà qui devrait condamner toute prétention politique de nos braves disciples ; je les vois sortir de l'hémicycle pour retrouver "ce qu'on prêche en latin à la Sorbonne", selon le bon mot du vieux Georges.
      - Je vous entends déjà me reprocher d'enfoncer des portes ouvertes ; mais combien les voient encore verrouillées à double tour ? -
      L'on pourra certes répondre que c'est d'abord notre vision de la société qu'il faudrait changer, qu'il faudrait cesser de la considérer à la manière de Rousseau comme antre de la perversion et préférer mettre en valeur ce qui en elle est positif ; en bref qu'il n'est pas forcément nécessaire de changer l'Homme pour changer la société. Bien. Il s'agit donc de retomber dans une simple connaissance factuelle du fait social ; sorte de phénoménologie politique qui, comme toute science, suit finalement le procédé inductif de la connaissance. Ce qui n'est pas suffisant. Que nous ne pensons que grâce à notre existence grégaire, en voilà une avancée ! Mais changer le regard de l'Homme impliquerait de changer ce qu'il peut en voir, en entendre, en lire ; en bref, cela reviendrait à changer la société.
      C'est d'ailleurs ce qui soulève cette interrogation, celle que l'Église politique ne se pose que trop rarement. Comment en effet avoir la prétention de vouloir construire une société qui serait à notre image, nous, humains, trop humains ? Qui est digne de se draper dans la toge du démiurge ? Quelle pensée est assez tyranniquement juste pour se vouloir voir appliquée à tous ? Voilà qui devrait ramener à la raison bon nombre de prosélytes passionnés. Mais n'y voyez pas là aveu de faiblesse, il ne s'agit pas non plus de subir notre existence sociale sans se dresser contre elle ; il s'agit de la remettre en question, en s'aveuglant du moins d'illusions possible, pour voir si, finalement, changer l'Homme est devenu nécessaire. Ce à quoi, à n'en point douter, d'autres pourront tenter de répondre ici. (Qu'il est plaisant,ce rôle d'ouvreuse...)

The Dude

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