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Vomir la "trostlose Ungefähr"!
Vomir la "trostlose Ungefähr"!
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7 octobre 2008

In quo hactenus spectator ex nihilo

    Voyez les, ces valheureux champions habillés à la hâte qui foulent le sable de l’arène tandis que la foule n’en a pas encore alourdit les gradins. Ils s’empressent de suivre le fabuleux destin du caporal Peugeot. Les imprudents! Les fanfarons! De quelle audace se sont-ils armés en pensant vaincre par la précocité de leur investissement des lieux ? Bougres de francs-tireurs de pacotille, si c’est le soufflet que vous attendez, alors je m’en vais guérir votre impatience.
    Changer l’homme, changer la société. Changer la société, changer l’homme. Vous essayez de définir une dynamique sociale qui passerait à travers la dite société comme prédateur à travers le banc de poissons fourrages. Qu’il ek-siste cet homme en dehors de toute forme de rassemblement, aussi factuel ce dernier puisse-t-il être ! Qu’il se meuve de façon autonome et qu’il s’affirme, de telle sorte, en tant qu'individu. Qu’on lui déleste le membre inférieur avec cette occupation de jeune trublion qui s’entête à vouloir dominer le monde, et justifiant ce désir, aux autres comme à lui-même, par le pseudo besoin de changer profondément sa personne propre. Que nenni, il veut changer l’ensemble, disperser le désordre jouissif comme l’enfant cruel renverse les châteaux de cartes et se targuer ensuite du mérite égoïste qu’il en retire. Car soyons francs, et convers(i)ons, l’individu se distingue en tout point de la société et ce n’est certainement pas parce qu’il participe malgré lui à la formation de cette masse disciplinée par une entente somme toute bien arbitraire, qu’il revendique son intègrement performatif à un ensemble qui, par essence, ne lui correspond pas.
    Mais encore, si l’homme veut changer, si l’homme veut grandir ou bien chuter, ne peut-il pas le faire seul, au mépris de l’affreuse discrétion qui conduira sa mutation. Si l’homme change, c’est avant tout pour lui-même semble-t-il, alors pourquoi s’encombre-t-il à reconsidérer les influences extérieures qui n’ont jamais eu sur lui qu’un bien maigre empire, de superficialité qui plus est. Il en est ainsi que l’homme est un tronc, autour duquel s’arrangent et se déforment par sa conduite sociale quelques branches qui n’ont pour intérêt que de le rendre visible à autrui. L’enfant n’acquiert de crédit auprès de l’adulte que lorsqu’il a accumulé en lui, assez d’influences de divers éléments puissants tels que les proches, les médias, les lois, le langage, c’est-à-dire lorsqu’il est devenu un adulte, et c’est seulement par ce biais seulement qu‘il lui est permis de le devenir. L’âge adulte n’étant de fait qu’une autre de ces considérations sociales obsolètes. Ce tronc alors, est immuable et sans vouloir paraphraser les grands rouleaux du déterminisme, est spécifique à chaque être. Si telle sentence vous paraît fataliste, alors houspillez sans retenue les scientifiques de Scotland yard qui ont accepté la détermination digitale comme étant propre et accablante pour chaque individu. Faites dont fi de l’étourdissement qui fait chavirer vos chères considérations humanistes, votre psycho-démocratie, qui suppure l’apitoiement et le ronronnement félin. Faites face à cette masse hétérogène et chancelante qui se décompose comme une infinité de codes jamais semblables, d’esprits tous inégaux et différemment puissants.
    Trêve de galéjades, mes considérations sont bien surfaites et je sens que mes amis de la profondeur en restent sur leur faim, jeunes hâtifs du forage intégral. L’homme, dites vous, n’est pas changeable. La société, dite vous, doit être changée par le changement de l’homme. Je m’arrête déjà et constate une chose : la politique ne fait-elle pas partie de choses, certes négligeables si vous l’entendez ainsi, qui tendent à changer la société mais sans forcément nécessité le changement de la personne à l’origine de cette modification. J’avais connaissance de grands hôpitaux de chirurgie esthétique qui siégeaient à la Havane, mais je ne savais pas que leur existence datait d’avant l’époque du Che. Quoi qu’il en soit, la question est stérile car fondamentalement, l’homme n’a pas besoin que la société change pour changer à son tour, mais la société n’a pas non plus besoin que l’homme change pour changer de même. Il faudrait entendre que l’un et l’autre se confondent ? Permettez-moi de vous ôter d’ores et déjà cette analogie fasciste et apocalyptique de l‘esprit. Certaines choses distinctes demandent à le rester afin de ne pas laisser s’immiscer le chaos. L’homme et la société, le spécial et le général, le temporel et le spirituel (je remercie là Comte) relèvent de l’ordre du monde et ne tendent en aucun cas vers l’alliance. Ils sont diamétralement opposés et existent dans un affrontement permanent, ils sont deux forces qui se partagent physiquement, qui se repoussent, qui s‘attirent. La société existe contre l’homme, et l’homme existe contre la société, de fait que changer l’un ou l’autre en vue de changer l’autre ou l’un reviendrait à faire basculer dangereusement l’équilibre des choses. Au temps et à l’esprit il faut leur accorder l’ordre social, la cohabitation de l’individu et de son environnement sans autres fins qu’une complétude pondérée. « Cultivant l’art général, seul également indispensable partout, le sacerdoce peut et doit étendre son office à toutes les portions de la planète humaine, quand sa doctrine fondamentale devient assez réelle et assez complète pour prévaloir uniformément ».
    Mais enfin, je crois comprendre vos tourments profonds qui donnent suite à de tels questionnements rhétoriques. Ce mal contemporain et présent, par la société cette fois je l’accorde, cette élévation du moi aux nues de l’exhibition par la fécondité du culte de la personne, du culte des branches précédemment évoquées, réduisant l’être à sa couche la plus externe, la plus exposée, la plus manipulable en somme. Aujourd’hui et à cette heure qui sonne faux, n’ayant que faire de ces notions désuètes et qui fondent un monde doré car bien compris, l’homme n’est plus seulement (ou plus du tout) social, il est public. De cet être qui reste le quotient directeur du tout, qui monte l’existence de par la sienne et qui concentre en son sein toute la noblesse de l’indéfini, ce grand individu. « C’est l’individualité qui est l’axe de tout », Kierkegaard l’a dit. Mais alors si chaque individu est dépassé par son publicisme, son épanchement à se montrer, et à se changer, lui, en vertu des faveurs de la Renommée, la futilité de cet homme qui change, rendra la société qui change avec lui, toute aussi futile. La dégénérescence de l’être dans la société vous gangrène mes chers, jusqu’à vos propos, si bien que vous devenez, par vos questions, les réponses mises en abyme. Vous êtes les tristes démonstrateurs de l’individu qui cherche à l’artificiel, à la branche, quand le tronc ne lui est pas encore apparu comme une évidence. Messieurs je vous le dis, si l’homme peut encore se permettre l’espoir de changer quelque chose, ce n’est ni à la société, ni à lui-même qu’il doit porter préjudice, mais à sa propre liberté.


Angély

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