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Vomir la "trostlose Ungefähr"!
Vomir la "trostlose Ungefähr"!
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22 octobre 2008

« Et la garde qui veille aux barrières du Louvre / N'en défend point nos rois. » Malherbe

    Premièrement, je tiens à présenter mes excuses quant à la drôlerie facile de mon dernier article, me moquant grassement du peu de subtilité de mes compères, c’était, je vous l’accorde, le bordel qui se fout de la volupté. Je crois qu’il est temps de cesser mes plaisanteries dignes du pseudonyme qui m’incombe, je désirai peut-être lui rendre hommage en ce matin dominical fort embué, mais je dois vite m‘abstenir de telles bassesses qui risqueraient de m‘envoyer à la potence de la facilité, où vos pieds dansent toujours dans l‘air avec l‘enthousiasme du sénile qui dans sa propre voix trouve une mélodie entraînante. Cet article caricatural était donc, je vous le promet, le dernier de la sorte, il restera comme miettes d’appât à la surface du lac, nourrissant ceux qui disent qu’en moi une bêtise sert à défroquer les uns, et à engrosser leurs compagnes.
    Boire? Mais que boire? La critique encore plus profonde de l’individualisme dont vous faites l’exposé me paraît tracer ses contours sur le fond d’une neurasthénie offensive. L’homme, à l’intérieur de lui-même, n’a pas même la joie de se trouver individu ? Scindé comme le cul, vous en faites l’apôtre de l’Idée qui enfourche le Sens, dans la portée pareillement épique du duel entre Pégase et la Chimère. Vous vous servez de l’adjectif nietzschéen comme cuisinier parle de cuisson, vous nous le mettez à toutes les sauces, ce cuisant roublard qui n’est jamais passé à la casserole.
    Voilà que vous vous adaptez à l’être et à sa raison, que vous fuyez successivement les champs de bataille, laissant à ces no man’s land de la pensée, le soin de désagréger par siècles et années vos armes et vos culottes perdues dans l’empressement. Quel empressement, d’ailleurs, qui vous pousse à renier aussi arbitrairement les carences de vos théories. Paradoxal et sans fin de considérer l’homme sans sa pensée, réduit à l’état de sensible ? Qu’en est-il de l’enfant et de l’idiot ? Qu’en est-il de cette grandeur que vous vous faites à propos du mince nuage qui encombre nos encéphales ? Est-il si définitif, si inévitable, si obstruant ? Du déterminisme de l’esprit, vous en venez à vous contredire cher Dude, et apprenez à voir chez l’homme, corrélativement à sa pensée dite inextricable, le particularisme initial qui affecte chacun dans le bain identitaire. Et j’insiste sur ce point, puisque vous y oscillez maladroitement : il est plutôt question de prédestination que de regain individuel d’autonomie. Ils sont coquets vos accoutrements de marins d’eau douce qui miroitent le jour mutin, vos pompons sur vos casquettes et vos sourcils bien brossés, vous traversez l’adolescente conviction que l’on s’arrache seul à la vie, par l’acharnement de ses ongles trop limés, plus que l’on ne dérive à l’océan que par les marées successives. Cessez donc d’imaginer Neptune comme le geôlier de votre pensée, ce n’est que la Vie qui vous étouffe de ses bras velus. Vitam regit fortuna, non sapientia dit la célèbre formule de Cicéron (C’est la fortune, non notre sagesse, qui gouverne notre vie). Admettez le, quoi que je fasse, quoi que je pense, je suis. Nulle mathématique dans cette équation, simple (bio)logique.
    Si je vois un cheval foncer sur moi au triple galop, me faut-il penser Cheval, penser Galop, penser Moi, avant que de ne m’écarter de son chemin. Simple réflexe me direz vous-là. J’use du primitif pour corroborer mes propos. Soit. Puisque vous vous sentez portés par la civilité, la morale et la noblesse du langage, j’en userai à votre séance. Alors si l’on me pose un argument qui me déplaît, sur un support virtuel qui plus est, je m’excite et mes poils s’hérissent, mes doigts s’agitent comme par névrose sur un clavier martyr de notre frénésie égotique. Cette violence de propos qui ici s’étale - et chacun, moi y compris, s’apprête à la reconnaître - dans un conflit de pensées qui, somme toute, ne pensent qu’à se contredire, n’est-elle pas, à elle seule, démonstrative de cette suprématie du sens, dit péjorativement primitif. Ce sont nos affects, et quelques bousculements hormonaux, qui dictent bien souvent nos goûts et nos Idées, notre perception des autres et de soi-même. Qui ne s’est jamais arrêté à ce qu’il voyait me jette la première pierre. Devant vous, sur cet amoncellement d’articles qui feignent l’écoute et le débat, n’y a-t-il pas planté le drapeau du viril surpassant l’idéal en regardant bien ce miroir fragmentaire où grimace la pureté de nos êtres. Si l’homme raisonne, c’est seulement pour mettre en abyme son ignorance, ainsi Pascal met par écrit ce discours intérieur : « " Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que ce c’est que le monde, ni que moi-même; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses; je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste. […] " »
    N’en déplaise à Irvin, œuvre de Krank sur la cité des enfants perdus, qui participe, lors du bouquet final, au salut des naufragés, il est l’être suprême pensant par excellence, celui que Voltaire fantasmait mou et palpitant, le Surhomme peut-être, mais il n’est de fait qu’un cerveau baignant dans un aquarium, c’est ainsi que vous aimeriez considérer l’homme? L’Homme, à ce mot seul je pourrais frémir car j’y vois le sang et le barbare, j’entends hurler des armées de morts casqués d’épines, sifflant diverses symphonies là où l’animal ne fait que rugir toujours pareillement. C’est très peu de choses qui nous écarte en définitive de notre corps, de notre prétendue raison même n’étant qu’un regain d’esprit dans les méandres perceptifs et affectifs. Cela même que vous nommez pensée, doit résulter complexement d’un conglomérat de sentiments et d’humeur qui fondent, nous le croyons, chaque jour notre prétendue personnalité. En leur faisant ses adieux, Zarathoustra s’adresse ainsi à ses disciples : « L’esprit et la vertu se sont égarés et mépris de mille façons différentes. Hélas! Dans notre corps habite maintenant encore cette folie et cette méprise: elles sont devenues corps et volonté ! », il termine en leur ordonnant cela: « Maintenant je vous ordonne de me perdre et de vous trouvez vous-mêmes; et ce n’est que quand vous m’aurez tous renié que je reviendrai parmi vous. » Il sous-entend alors l’abandon pour les hommes de la croyance en tout ce qui leur paraissait jusqu’alors supérieur, il conseille l’oubli de la prétendue pensée qu’il représente, pour qu’ils reviennent à eux-mêmes, leurs corps qui est leur essence, car sans avoir effectuer cela, ils ne sauront avoir une pensée pure, bien plus tard. Sans la vulgarisation de l’être, on ne peut prétendre, comme vous l’avez fait, à en titiller les tenants, attelez vous d’abord à cultiver le champ de blé avant de juger du goût du pain; de son prix nous discuterons plus tard les enfants.

Angély

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