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Vomir la "trostlose Ungefähr"!
Vomir la "trostlose Ungefähr"!
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20 octobre 2008

"Hannibal ad Portas !"

     Enfin, notre univers numérique va rayonner de la vraie philosophie, de celle qu'on enseigne dans les grands lieux de la culture ! Enfin, nos vils sophismes se verront remis en cause par la grande clairvoyance de l'esprit de contradiction ! Enfin, nos boutades plébéiennes se verront annihilées par la grandeur d'âme et la mansuétude de l'enfant chéri du pays, parti en éclaireur dans les lointaines contrées pleines de traquenards et de grands bandits agrégés ! Enfin, notre vieux monde paysan se verra porté vers les hautes nuées de l'acerbité gratuite par notre amphitryon trop vite enfui !
     Enfin ! Enfin ! Ce lieu se rend digne de son illustre prédécesseur ! Enfin il mérite d'être appelé, tel l'autre lui-même - l'Assommoir... Enfin, ce lieu retrouve la saveur première de la grotte archaïque, lieu de la plus parfaite et de la plus immaculée mauvaise foi, où l'odeur de la cendre froide est parsemée de citations toujours substantielles du vieux Friedrich, qui virevoltent autour de l'illusion mouvante d'un Jimi Hendrix animé par de dithyrambiques vapeurs, alors qu'il est parallèlement reproché aux auditeurs leur trop grande dépendance aux savoirs qui ne sont pas leurs... Écoutez ! N'entendez vous pas murmurer le vieux roublard, avec un léger sourire ; humains, trop humains ?
     N'est-il pas parvenu à ses fins, le rusé ? N'a-t-il pas sous les yeux ses plus dévoués lecteurs s'écharpant allègrement à coups de considérations inactuelles ? Ne nous considère-t-il pas joyeusement, lorsqu'il nous voit partir en quête du crépuscule des idoles ? Ne nous entend-il pas composer d'une main fébrile quelque rapsodie pleine de couacs en Nietzsche majeur, par-delà bien et mal ? Les enfants, je vous le dis, nous sommes de nouveau en quête de notre déclin ; Welcome Home, Boys ! Chantons tous l'avènement du fils qui prodigue !
     Voilà pour le comité d'accueil, les ballons étaient trop chers. J'entends dans tes propos une chose qui, avant les autres, peut-être, devait être au moins eclaircie, sinon interrogée. Il faudrait selon ce que j'ai compris attendre d'être assez mûr soi-même, d'avoir assez infusé dans sa propre science et son propre savoir pour enfin rayonner ; tel la rampante chenille qui, après avoir opéré le retour sur soi-même dans sa chrysalide imperméable se métamorphose en un lumineux papillon. Il faudrait alors pour cela considérer que l'on atteint un beau matin, le savoir dans sa quintessence et dans sa finitude ; en bref que l'on peut aller au bout de la connaissance et se contenter ensuite de la dispenser à ceux qui en sont dignes. Voilà qui remet en cause tout l'ouvrage de notre chère M.-C., qui ne se contentait jamais de traiter de la philosophie comme d'une Histoire factuelle, mais qui agrémentait son propre savoir de références littéraires indépendantes du schème chronologique "normal", en bref qui considère que si le savoir absolu avait été atteint, il rayonnerait effectivement dans une matière qui ne serait plus philosophie, mais histoire de la philosophie. Te connaissant, je sais que tu ne manqueras pas de remarquer que ce qui n'a pas été fait dans le passé se pourra faire dans l'avenir. Mais même si tel était le cas, il s'agirait alors d'inscrire en lettres d'or la fin de la pensée pour instaurer l'existence de la classe prépa universelle.
     Laissons là ces considérations trop larges, le vieux Nietzsche ne s'y adonnait qu'à ses heures perdues ou lorsqu'il devait payer ses impôts. Opérons nous aussi le retour sur nous-mêmes, à la manière du soleil, sembles-tu dire, c'est-à-dire qui auto-alimente son propre rayonnement. Le problème ici posé semble avant tout être celui de la volonté de puissance. Comment, en effet, nous ne serions finalement qu'hommes du ressentiment, haineux de nous voir désavantagés par notre existence -ce qui expliquerait notre véhémence à la condamner-, frustrés en somme de nous voir châtrés comme tu l'as dit par les lois morales et les coutumes culturelles ? Nous voudrions rayonner et tyranniser le monde entier, et ce même pétris de bonnes intentions, au sens moral cette fois, dans la mesure où nous voudrions être ceux qui fixent les nouvelles normes ? Il y a du vrai dans ceci, c'est indéniable. Mais une fois que notre règne sera devenu effectif, que nos propres normes et nos propres valeurs seraient consacrés comme étant les nouvelles vérités universelles, qu'adviendrait-il de notre volonté de puissance ?
     Car tu conviendras que considérer la haine, et au travers d'elle le ressentiment, comme un phénomène inhérent à la condition humaine, c'est retomber dans le plus bas freudisme qui, je pense, est ici unilatéralement abhorré. La nature, et je crois être bien loin de me faire révolutionnaire en l'affirmant, est indépendante de tout sentiment, haine ou amour, ressentiment ou envie, et si le chat tue petits oiseaux et tendres rongeurs, ce n'est pas par xénophobie, mais par intérêt.
     Imaginons donc que nous actualisions notre volonté de puissance, notre désir de création -puisque nous créerions de nouvelles lois-, au final donc que nous accédions au pouvoir (déjà entendu dans le sens sociétal, car il serait difficile d'être crédible en revendiquant quelque puissance qui serait indépendante de toute comparaison avec l'altérité. Impossible en effet de penser la volonté de puissance dégagée de tout relativisme. Nietzsche lui-même parle de l'aristocrate, du descendant de la race noble comme de celui qui est capable et qui a besoin d'asservir ses pairs. Nous avons beau déborder dis-tu de volonté de puissance, si nous chantons "Je suis le maître du monde" lyre en main dans quelque station de métro lilloise, il serait difficile de croire à une prosternation universelle...), comment pourrions-nous donc vouloir être encore puissants ? Tel Napoléon, nous nous lancerions à la conquête de la Russie ? Et si nous sommes plus forts que lui encore et que nous asservissons le monde ? Nous ne pourrions vouloir être plus puissants, ayant en main le pouvoir social le plus absolu. La volonté de puissance étant un phénomène toujours indépendant de l'opposition à, qui s'érige toujours contre, et nous nous devrions de nous en passer, sans quoi nous nous déjugerions et entreprendrions une révolte contre nous-même, ce qui tu me l'accordes n'a aucun sens. La volonté de puissance est toujours déjà ressentiment ; ce qui en fait un fondement quelque peu argileux. Il en est d'autres autrement plus instables, il est vrai, mais peut-être leur tour viendra.
     La volonté de puissance est une naumachie sans gloire, bien que sanglante et retentissante. En quête d'honneur, notre pensée se fait l'un de ces comédiens romains et huilés qui meurent lors de combats de pacotilles pour des causes aussi illusoires qu'elles sont sans ancrage dans notre réalité. Laissons au cinéma l'archétypale prise de revanche. Notre pensée ne saurait s'obscurcir de ce genre de pathos, qui, même s'il s'avère n'être qu'apparent, nous donnera l'apparence de quidams encore trop plébéiens.
     Tu remettras alors en cause, comme tu l'as déjà me sembles-t-il succinctement entrepris par le biais de Cioran, la légitimité du raisonnement trop rationnel, qui implique encore l'idée de l'indépendance de l'âme par rapport au corps, et surtout de sa supériorité sur celui-ci. Considérer la raison comme prisonnière de notre haine latente est certes acceptable, bien qu'un brin freudien, mais n'éveillons pas ton juste courroux par de si badines allusions. Il serait inutile de préciser que tout autre discours n'aurait aucune légitimité, ce serait donner tort à Brecht qui disait que "la Vérité est fille du Temps pas de l'Autorité" et ce serait de plus donner les lattes pour se faire frapper. Toute réflexion pourtant doit être inscrite dans un processus réflexif rationnel pour quitter le statut d'a priori et de vérité d'emblée acceptée comme telle, honnis de tous, dans un ensemble touchant qu'on appelle philosophie. Se fonder sur tout autre schème de pensée, par exemple instinctif, ne peut être qu'erroné, dans la mesure où l'instinct n'est rien d'autre qu'une somme d'habitudes. Il en va de même d'ailleurs pour tout autre sentiment, et opposer à la mode romantique rationalité et sensibilité tient du non-sens le plus parfait que seul certain professeur que tu n'as pas eu le bonheur de connaître peut déblatérer d'un air savant ; étant donné qu'on peut se passer de l'un et de l'autre, et pour assurer la primauté du rationnel sur le sensible, on pourrait paraphraser Spinoza en disant que l'un est utile, l'autre nuisible. Ce n'est pas pour rien que les dieux sont toujours pure essentialité. S'il existe un instinct hérité de la nature, premier et antérieur à toute existence sociale, il n'a rien à faire au sein de la pensée. Penser l'Homme comme créature avant tout naturelle est juste, et cela me rappelle d'ailleurs quelque soirée animée de janvier (Calx devrait pouvoir en témoigner - mes mains en sentent encore le liquide vaisselle:D), mais le penser comme un être qui doit se débarrasser de sa qualité d'être pensant, cela comporte un paradoxe qu'il est inutile de mettre en exergue.
     Se détacher de tout schéma rationnel, c'est laisser parler sa propre subjectivité (elle-même composée de la subjectivité des autres, c'est entendu), là où il faudrait tendre à l'objectivité ; car même pour penser la subjectivité, il faut l'objectiver ; et la fin de la pensée, ce n'est pas le règne du surhumain, c'est celui du néant, contre lequel nous nous dressons, je crois, unilatéralement ici, dans une mesure toute succincte il est vrai, mais après tout Henry Hill n'a-t-il pas commencé en garant les voitures ? Macte, generose puer, sic itur ad astra ; sed nunc est bibendum !:D

The Dude

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